C’est pourtant une réalité persistante de la vie des transactions immobilières que de voir le prix d’un bien augmenté de milliers voire de dizaines de milliers d’euros par rapport à sa valeur réelle. Au niveau national, l’écart moyen entre prix d’affichage et prix réel se situe à 5,2% mais il varie de 1 à 9 % selon les régions !
La surestimation est souvent le fait de vendeurs souhaitant se laisser une marge de négociation, ou rêvant d’une « sur-plus-value » illusoire, contraignant leur agent à prendre le mandat à un niveau de prix trop élevé. D’autres vendeurs céderont aussi aux chants des sirènes de quelques professionnels prêts à faire miroiter un prix plus élevé que la réalité du marché pour obtenir un mandat exclusif. La conséquence habituelle de cette stratégie est notoire : le bien mettra plus de temps à trouver preneur, et le vendeur sera progressivement amené à accepter des offres au rabais (« c’est le marché mon bon Monsieur »). Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et on n’échappe pas plus à la réalité d’un marché qu’à la gravité.
Selon Nathalie Naccache de Groupe Fortis Immo Paris: « Le vendeur obtient souvent sa meilleure offre en début de commercialisation car le bien est nouveau, donc rare et attendu. Démarrer trop haut éloigne du bien les meilleurs acquéreurs qui vont regarder l’annonce, mais ne pas visiter le bien car trop cher… et le temps abîme la valeur du bien qui est assimilé à un bien usé . »
Au niveau macro, comme le dit Isabelle Guettaf (IG & Associés real estate) : « elle crée une tension sur le marché immobilier et un attentisme des acquéreurs ».
Au total, elle gonfle artificiellement les prix affichés sur l’ensemble de marchés locaux et, en termes d’image, elle alimente les critiques à l’égard de la profession toute entière. En sus, même si le mandataire parvient à convaincre le vendeur d’accepter une offre d’achat, il devra souvent faire un effort sur ses honoraires pour faciliter la transaction : c’est un jeu perdant-perdant. Remarquons enfin que l’éclipse actuelle des investisseurs étrangers raréfie les cas de ventes au dessus des prix du marché, rendant cette stratégie d’autant plus vaine dans les régions concernées.
« Une vérité pas toujours facile à entendre. »
Aurélie Assouline (My New Ôhm) rappelle que: « La plupart des vendeurs n’ont pas un accès facilité aux données de vente passées de manière détaillées pour accompagner leur réflexion sur le prix de mise en vente (l’utilisation du site n’étant pas tout à fait compréhensible par les profanes, voire pas connu du tout). Ils continuent donc de se baser sur des sites d’annonces affichant des prix de présentation. »
D’autant plus que certains sites d’estimation en ligne bien connus sont souvent pointés du doigt pour leurs avis de valeur discutables…
Bien estimer, au contraire, c’est un gage de professionnalisme qui paye durant le processus de vente et à la fin, en termes de satisfaction client. Et si le client est satisfait, alors le professionnel y trouve un intérêt financier et réputationnel, comme le confirme Kevin Gabison, (PLACE IMMO): « Nous devons une vérité pas toujours facile à entendre pour entretenir la confiance de nos clients sur le long terme ».
Au final, comment lutter contre ces pratiques qui ne reflètent pas le quotidien de la plupart des professionnels français ? Une prise de conscience est nécessaire bien entendu. Les agents immobiliers et leurs équipes doivent continuer leur travail de confiance et démontrer leur capacité à commercialiser les biens dans les meilleures conditions. Pour Alioune Dienna (BL Agents): « Une communication massive pour sensibiliser chaque professionnel de l’immobilier sur l’importance d’une estimation et de ses conséquences. C’est une tâche importante du métier qui demande d’être consciencieux ».
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Pourtant, de nouvelles solutions existent comme l’application Quel Prix Immo, qui propose le montant des dernières ventes à une adresse donnée. Il y a aussi des initiatives professionnelles comme le Label « Lici 360 » qui met en avant les agences immobilières pratiquant une estimation juste et transparente. A noter, la start-up immobilière GUSTAVE Bon conseil, lancée par le Crédit Agricole d’Île-de-France qui accompagne les acheteurs et vendeurs dans leur parcours immobilier via des « home-planner » qui vous proposent d’obtenir « sous 24h le rapport d’un expert sur le bien qui vous fait de l’œil, à partir des documents fournis par le vendeur ou d’une contrevisite. » selon leur site internet.
« Le mandat exclusif partagé (…) meilleures conditions pour le propriétaire comme pour le professionnel. »
La formation est également décisive pour sensibiliser les agents. Les réseaux comme les syndicats poursuivent leurs efforts en ce sens. S’il est bien formé, un professionnel tombera moins facilement dans l’écueil du mandat arraché par une surestimation.
Le mandat exclusif partagé en réseau (Lici) favorise également une vente dans les meilleures conditions pour le propriétaire comme pour le professionnel.
Lici : Solution B2B de partage de mandats entre professionnels de la transaction