Proptech, Realestech, nouvelles technologies de l’immobilier, de quoi parle-t-on ?
L’immobilier est un secteur très vaste qui regroupe plusieurs acteurs : agents immobiliers en agence ou indépendants, chasseurs de biens immobiliers, promoteurs, notaires, banques, assureurs et bien entendu le particulier ou l’institutionnel qui vend ou achète un bien.
Tout cet écosystème avait besoin d’un sérieux « lifting » dans sa manière de travailler ! La révolution « 2.0 » a commencer avec le passage des annonces papiers à l’ère d’Internet avec Leboncoin ou SeLoger et maintenant Facebook pour ne citer que les plus connus. Ensuite les Startups se sont intéressées au travail des agents immobiliers afin de le rendre plus efficient grâce aux nouvelles technologies : on peut citer Meilleurs Agents, Lici, Leads2keys… Puis le crédit immobilier et l’assurance crédit ont aussi été transformés avec des sites comme MeilleursTaux, les furets, lelynx (comparateurs)…
Plus récemment et en partie grâce à la crise COVID, toute la partie juridique s’est aussi transformée avec les mandats électroniques, les signatures électroniques par visioconférence pour les avocats et les notaires. Mais aussi les visites virtuelles qui évitent des déplacements inutiles et permettent de sélectionner les biens réellement coup de cœur pour une « vraie » visite avec EnVisite ou PreVisite par exemple. Même durant cette période Covid, les états des lieux se sont fait en visioconférence enregistrées pour être conservées dans la procédure, suivi d’une signature électronique.
Aujourd’hui le secteur évolue encore très vite avec l’émergence de startups spécialisées dans le Big Data et l’intelligence artificielle qui permettent d’affiner une recherche de bien, de prévoir l’évolution des prix dans un quartier, une ville, un département (avec Lokimo par exemple), mais aussi d’offrir aux propriétaires et aux locataires de nouvelles garanties sur les loyers sous forme de GLI (garantie de loyer impayé) prise en charge par un assureur payé par le locataire ( avec GarantMe par exemple). Certains comme QuietRent en France ou The Guarantors aux US garantissent même les cautions (GAPD) pour l’immobilier commercial également sous forme d’assurance.
« L’avenir se dessine avec la blockchain »
Et l’avenir se dessine avec la blockchain qui pourrait remplacer une bonne partie du travail des notaires, créer une nouvelle forme d’investissement dans l’immobilier associée à la « tokénisation » des biens immobiliers.
Vous voyez donc que c’est tout le secteur qui est concerné ! Et bien entendu en amont le secteur de la construction et de la promotion avec les smart cities et les smart buildings.
Qui investit dans ces technologies ? (corpo / fonds / angels / damily / crowdfunding
Aujourd’hui ce sont à peu près tous les fonds d’investissement et de gros Business Angels ! C’est un peu une mode comme celle des Fintechs dans les années 2010. Mais à noter qu’avec la bulle actuelle du secteur des nouvelles technologies (Tesla, Airbnb, Amazon…) et la crise Covid, les investisseurs sont beaucoup plus regardants sur les fondamentaux.
En revanche c’est un secteur qui intéresse beaucoup les « corporates » (les fonds d’investissements issus de grandes entreprises) comme Bouygues Immobilier, Vinci Immobilier, Nexity, Crédit Agricole immobilier ainsi que les grands assureurs comme Ag2R, Maif, Matmut, mais aussi des Family Offices qui gèrent souvent de gros patrimoines Immobiliers. Je conseille d’ailleurs aux Startups de la Proptech, si cela ne gène par leur stratégie commerciale, de se rapprocher de fonds corporates qui ont l’avantage, en plus d’apporter du capital, d’apporter du Business et une connaissance métier.
A LIRE AUSSI: Proptech: 4 applications pour les pros de l’immobilier
Quel est le volume d’investissement des acteurs majeurs du secteur ?
En France le secteur de l’immobilier représente 12% du PIB ! Donc il était prévisible que ce secteur allait se transformer avec les PropTechs et donc intéresser les investisseurs. En France, l’évolution conséquente depuis 5 ans :
– sur le volume des levées de fonds, nous sommes passés de 19 deals en 2015 à 62 deals en 2019 ;
– sur leur montant, 15 millions d’euros avaient été investis au total jusqu’en 2015 alors que 375 millions d’euros ont été investis rien qu’entre 2015 à 2019
Hervé Gicquel, vous êtes « leveur de fond » spécialisé dans les proptechs, à quoi se résume votre activité ?
Mon activité consiste à accompagner les entrepreneurs dans leur future levée de fonds. Cela se divise schématiquement en 4 grandes étapes :
- Analyser avec l’entrepreneur ses besoins, ses objectifs et comment utilisera-t-il les fonds levés.
- Préparer les éléments qui seront présentés aux investisseurs. Tout d’abord le Pitch-Deck (1) qui sera le support de discussion et doit permettre d’attirer l’attention de l’investisseur pour déclencher un RDV. C’est un document très important et relativement cadré dans sa forme. Enfin les tableaux financiers qui permettront à l’investisseur de pousser l’analyse du dossier. La aussi un document assez cadré avec à minima un plan de trésorerie, un compte d’exploitation et un plan de financement sur 3 ans.
- Rechercher les investisseurs les plus intéressés par le secteur et la maturité de la société (levée pré-Seed : au stade des pocs, levée Seed : avec premiers clients, levée Série A : avec une traction confirmée d’environ 1M€ de CA). Puis commencer à les contacter et profiter des premiers RDV pour améliorer et enrichir sa présentation et son discours (en règle générale on se rode sur les investisseurs les moins « chauds » pour être « au top » avec les plus importants).
- Et enfin négocier avec les investisseurs les Term-Sheets (Conditions dans lesquelles sera réalisé l’investissement) et préparer les Dues-Diligences (Tous les documents comptables, juridiques & fiscaux) afin de finaliser la levée.
Quelle est la rémunération d’un leveur de fond ?
La rémunération d’un leveur de fond se compose en général d’une partie fixe afin de rémunérer tout le travail de préparation (Pitch-Deck, Tableaux financiers, Coach des dirigeants sur les entretiens…). Cette rémunération fixe peut aller de « zéro » si l’entrepreneur est aguerri et a déjà un dossier solide, jusqu’à quelques milliers d’euros s’il faut retravailler toutes les présentations ou tout concevoir. Ensuite la rémunération est complétée d’une partie variable qui est facturée dès que l’entrepreneur a levé les fonds, et qui généralement se situe entre 5% et 7% suivant le montant de la levée (dégressive suivant le montant).
Qu’est-ce qui vous a amené dans cette voie ?
Après une carrière de “serial entrepreneur”, que vous pourrez voir sur mon profil LinkedIn, j’ai décidé de “passer le relais aux jeunes” pour la création de Startups ! Quoi que quand on a le virus il ne faut jamais dire jamais…
Et naturellement comme la création & l’innovation me passionnent et que j’ai bien connu toutes les étapes et les difficultés que peuvent rencontrer les entrepreneurs, notamment lors de leur financement, je me suis lancé dans l’accompagnement de Startups en levée de fonds Seed & Série A.
Vous êtes à l’origine de la levée de fond entre le groupe Vinci Immobilier corporate venture et la start up Lici, quels ont été les enjeux de cette levée de fond ?
Effectivement et c’est un bon exemple de ce que je préconisais plus haut : Dans cette période de Covid, les investisseurs sont devenus très frileux et surtout consacrent une bonne partie de leurs investissements à refinancer leur portefeuille de Startups sous perfusion à cause de la crise qui se profile.
Les enjeux étaient très importants pour Lici qui était en pleine phase d’accélération commerciale et de R&D afin d’améliorer encore son produit. C’est la ou l’on s’aperçoit que les enjeux d’un Corporate ne sont pas les mêmes que ceux d’un fonds traditionnel. Un Corporate cherche avant tout à enrichir son business ou son expérience client grâce à votre technologie. Il investira donc en priorité si il y a des partenariats possibles avec la Startup, et surtout il n’a pas de compte à rendre à des investisseurs puisqu’il investi sur ses fonds propres et cerise sur le gâteau il n’a pas d’horizon de sortie (comme les fonds qui en général veulent sortir au bout de 5 ans, ce qui peut mettre en difficulté ou en vente forcée une belle Startup).
Enfin, La crise sanitaire va-t-elle impacter l’innovation et la croissance des Proptechs à court et moyen terme ?
Oui bien entendu et elle l’a déjà fait MAIS dans le bon sens !
Cette crise a permis aux professionnels de l’immobilier de tester et d’adopter de nouveaux produits comme la visite virtuelle, l’état des lieux en visio ou encore la signature électronique en visio avec le Notaire !
Et pour les années qui viennent, le marché de l’immobilier traditionnel et tertiaire risquant d’être plus tendu, les nouveaux usages comme le partage de mandats, l’Intelligence artificielle, le big data et même la tokénisation des biens immobiliers vont connaître leur âge d’Or !
(1) Le PitchDeck doit répondre aux questions suivantes :
A quel besoin répond votre innovation, quels pain points résolue-t-elle, quelle est la taille du marché, quelles sont les barrières à l’entrée – Techniques & Commerciales -, quels sont vos avantages par rapport aux éventuels concurrents existants ou à venir, votre traction commerciale actuelle et future, comment l’équipe actuelle est-elle à même de porter et d’exécuter au mieux ce projet, comment seront utilisés les fonds levés et quelle est votre roadmap sur 3 ans, suivi d’une présentation synthétique des éléments financiers et KPIs et enfin la forme de votre levée de fonds ainsi que la table de capitalisation des différents actionnaires fondateurs, salariés, business angels…
Hervé Gicquel, leveur de fond spécialiste du secteur.