Mandataires et agences : La réconciliation ?

Au début des années 2000 émergeait une nouvelle forme de professionnels de l’immobilier : les agents commerciaux à distance, plus communément appelés « mandataires ». Les professionnels dits « traditionnels » ou « vitrés » exerçant en agence immobilière physique criaient alors au scandale, dénonçant ce nouveau modèle comme une concurrence déloyale. Manque de formation, pas de carte professionnelle locale, honoraires bradés, siège à distance, recrutement agressif… les critiques ne manquaient pas. Vingt ans après, la situation a bien évolué !

En 2021, on identifie plus de 145 « réseaux de mandataires »* en France, regroupant plus de 40.000 conseillers immobiliers* dont certains, comme Iad France, REGM ou La Fourmi, arborent une croissance à deux chiffres. En deux décennies, les mandataires se sont professionnalisés et formés (souvent par des formateurs issus des réseaux traditionnels comme ERA ou Orpi), uniformisant leurs barèmes honoraires et réalisant une part de plus en plus importante des transactions immobilières en France. Ils bénéficient de soutiens financiers de grands groupes (Comme le groupe Arche qui a racheté Le Bon Agent ou bien le fond ou bien le fond LFPI qui a racheté Digit RE). Ces derniers utilisent désormais les mêmes techniques de prospection et de négociation que les agences, proposant aussi les mêmes services (Reportages photos professionnels, visites virtuelles, multi-diffusion des annonces, mandats exclusifs partagés, etc.) ce qui amène acquéreurs et vendeurs à ne plus faire la distinction entre un mandataire ou un négociateur d’une agence traditionnelle… Comme le dit le proverbe: « peu importe que le chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris ! ».

Parmi les détracteurs d’hier, beaucoup ont changé leur fusil d’épaule

De plus en plus de négociateurs en agences traditionnelles se convertissent au modèle. C’est le cas de Jérôme F., ancien négociateur Century 21, aujourd’hui affilié au réseau MeilleursBiens.com qui explique : « Après 8 années chez Century, jai décidé de devenir indépendant pour profiter dune rémunération plus attractive et la possibilité dexercer sur toute la France ». ll souligne cependant : « Je naurais jamais commencé ma carrière comme mandataire sans passer par la case agence car plus de 50% des novices qui intègrent ce modèle abandonnent après 6 mois contre moins de 20% pour ceux qui passent par la case agence…». En effet, sur le papier, la rémunération des mandataires (entre 70 et 90% du montant des honoraires selon les réseaux) est bien plus alléchante que les barèmes proposés par les agences traditionnelles (entre 30 et 60%). Dans les faits, la plupart des mandataires, contrairement aux négociateurs en agence (dont les vitrines attirent naturellement des prospects), doivent assumer seuls les coûts de publicité, de prospection et de gestion de leur activité.

Pascal Beuvelet et Pierre Arnaud Mazzanti, dirigeants du réseau The Door Man

Parmi les détracteurs d’hier, beaucoup ont changé leur fusil d’épaule, à l’image de Fabrice Abraham, ancien Directeur Général de Guy Hoquet qui est aujourd’hui à la tête du réseau Ma Compagnie ImmobilièreDe même pour Pascal Beuvelet (membre fondateur de Century) et Pierre-Arnaud Mazzanti (ancien directeur éxecutif du Fichier AMEPI) qui ont lancé le réseau The Door Man, passé d’une douzaine de recrues début 2017 à plus de 200 conseillers en 2021 et dont le modèle de franchise propose aux agences traditionnelles de créer leur propre réseau de mandataires, comme en témoigne Eric Lamezec, gérant de l’agence AGECO à Toulouse: «Je suis passé dune agence à quatre négociateurs dans le centre de Toulouse à une équipe de 43 agents commerciaux dans toute la Haute-Garonne ce qui m’a permis d’augmenter sensiblement mon chiffre d’affaires ».

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« Les clients font avant tout  confiance en des personnes »

Sylvain De Munter DG du réseau Le Bon Agent

Pour Sylvain de Munter, ancien spécialiste de la formation et la direction de réseaux immobiliers traditionnels, aujourd’hui Directeur Général du réseau Le Bon Agent, le mandataire a de beaux jours devant lui : « Avec la crise sanitaire et lexplosion de lactivité sur les réseaux sociaux, la frontière entre le métier de négociateur en agence, maintenant en télétravail, et celui de mandataire est de plus en plus mince (…) Il ne faut pas oublier que les clients font avant tout confiance en des personnes ! C’est une question de suivi,  de proximité et de services ». Dernier exemple pour illustrer ce changement de mentalité : La célèbre agence lyonnaise César & Brutus, dont le dirigeant n’hésitait pas à critiquer ouvertement les méthodes de Keller Williams, a annoncé récemment son ralliement à la marque américaine via le rachat du Market Center de Lyon Abondance !

En sens inverse, des réseaux de mandataires ouvrent à leur tour des « super-agences », calées sur des modèles hybrides comme le proposent Les ateliers Capifrance (Digit RE) ou bien les agences physiques des réseaux Dr House-Immo ou EV Immo.

« les transactions en inter-cabinet 

entre les deux modèles explosent. »

Maxime Irizar, responsable commercial chez Lici

Autre image de cette « réconciliation » : la collaboration de plus en plus régulière entre mandataires et agences traditionnelles. C’est depuis le lancement du fichier partagé Lici.fr en 2017, qui propose à tous les professionnels « vitrés » et « non vitrés » de partager leurs offres et recherches via une application mobile, que les transactions en « inter-cabinet » entre les deux modèles explosent. C’est ce qu’indique Maxime Irizar, responsable commercial chez Lici : « En 2020, une transaction sur quatre sest réalisée entre un mandataire et une agence traditionnelle alors que nous étions à une sur sept en 2018 ! (…) de plus en plus dagences immobilières proposent un portefeuille incluant des offres de leurs confrères mandataires et vice-versa »… Ce qui permet aux acquéreurs de réduire le nombre d’interlocuteurs et donc de trouver plus vite sa maison ou son appartement. C’est ce que confirme Andrée F., propriétaire dans le centre de Nice : « j’ai acheté mon appartement avec une agence qui na pas hésité à partager sa commission avec le mandataire à qui j’avais confié un mandat de recherche ».

L'application Lici

La désunion des professionnels

fait les bonnes affaires du PAP

Contrairement à ce mouvement de fond, que l’on peut symboliser par l’ouverture de l’UNIS (Union des syndicats de l’immobilier) au réseau CapiFrance, il reste cependant quelques « anciens », réfractaires à l’idée de collaborer pleinement avec les réseaux de mandataires comme la Fnaim , le fichier AMEPI ou encore le portail Bien Ici qui ne les acceptent qu’au compte-goute voir pas du tout… Cette politique ne va bien évidement pas dans le sens de l’histoire : Primo, parce que la désunion des professionnels fait les bonnes affaires du PAP, secondo, parce qu’à la vitesse où l’immobilier se révolutionne, ils prennent le risque d’être rapidement disruptés par des organisations ou des entreprises plus innovantes et tercio, parce que c’est le client final qui en paie les frais. 

En résumé, a l’heure où la « sharing economy » balaye tout sur son passage, la réconciliation entre mandataires et agences traditionnelles est non seulement une aubaine pour dynamiser le business de l’intermédiation, mais aussi un vecteur de transformation dont la profession a besoin. Elle illustre aussi une volonté de remettre le client au centre de l’activité, clef de voute d’une croissance continue.

 

Source: meilleursreseaux.com

 

Olivia Kalfon pour Immobilier-Demain

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