Paris à la pointe du combat contre la location touristique

La multiplication de la location de courtes durées favorisée par les plateformes a conduit la Ville de Paris à mettre en œuvre une réglementation particulièrement restrictive et à contrôler son respect avec une particulière attention.

La location saisonnière est en effet accusée :

–  d’aggraver la pénurie de logements offerts à la location classique, d’augmenter les loyers et d’entraîner une baisse de la population de Paris, notamment dans le centre, au point de transformer l’ambiance de certains quartiers,

– de concurrencer l’hôtellerie de manière déloyale,

– d’entraîner des conflits au sein des copropriétés par les troubles de voisinages induits.

 A Paris, les logements entiers disponibles sur les plateformes représentaient 3,8% du total des logements existant en septembre 2019, et plus de 20% dans certaines rues.

L’enregistrement  

Pour tenter d’inverser la situation, l’obligation d’enregistrement apparait comme un moyen particulièrement efficace, en ce que l’enregistrement et l’obligation faite aux plateformes d’inscrire le numéro d’enregistrement sur chaque annonce, faciliteront le contrôle du respect de la réglementation mise en place, notamment de l’obligation, pour le propriétaire occupant de sa résidence principale ou le titulaire d’un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 de ne pas dépasser 120 jours de location ou sous location touristique par an. Ainsi pour louer un appartement à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, le loueur, qu’il soit le propriétaire ou un locataire dont le bail autorise la sous-location saisonnière doit s’enregistrer sur un site internet dédié en y précisant son identité, l’adresse du logement concerné, avec le nombre de pièces et de lits, et s’il constitue ou non la résidence principale du loueur. Cet enregistrement gratuit entraine la délivrance immédiate d’un numéro d’enregistrement qui devra figurer sur chaque annonce de location publiée, y compris par le loueur de sa résidence principale respectant la limite de 120 jours par an ou par le loueur de sa résidence secondaire, souhaitant la louer quelques jours ou mois à une clientèle de passage. Seuls la location d’une partie de son appartement ou le bail mobilité échappent à l’obligation d’enregistrement.

Le changement d’usage

Chacun sait maintenant que lorsque le logement constitue la résidence principale de son propriétaire ou de son locataire, ce propriétaire ou ce locataire, sous réserve de l’accord du bailleur, peut librement louer ou sous louer son appartement dans la limite de 120 jours sur 12 mois, ses obligations étant alors limitées à s’enregistrer en ligne pour obtenir son numéro d’enregistrement, à faire figurer son numéro d’enregistrement sur ses annonces et à payer la taxe de séjour. Par contre lorsque le logement ne constitue pas la résidence principale du loueur (ou que celui-ci entend dépasser la limite de 120 jours par an) le propriétaire doit obtenir une autorisation de changement d’usage avec compensation en application des articles L 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et de l’article 3 du règlement municipal relatif au changement d’usage. il s’agit d’obtenir l’autorisation de passer de l’usage « habitation » à un usage « autre que l’habitation », ce qui suppose, à Paris, de compenser la perte des surfaces à usage d’habitation consécutive au changement d’usage sollicité par la transformation concomitante de surfaces « à un autre usage » (commerciales, bureaux etc.) en logements privés ou sociaux. Cette compensation peut s’effectuer au sein du patrimoine du demandeur, qui va alors transformer un local à usage « autre que l’habitation » lui appartement en logement et concomitamment demander l’autorisation de changer l’usage d’une surface à usage d’habitation pour celui de « location meublée de courte durée ». Elle peut également s’effectuer par l’acquisition ou le transfert à titre gratuit de la commercialité attachée à des locaux à usage « autre que l’habitation » appartenant à un tiers et transformés par ce tiers en logement. Dans tous les cas, la compensation doit se faire dans le même quartier administratif, et ceci dans des proportions différentes selon que l’appartement se situe ou non dans le secteur de compensation renforcée défini par Ville de Paris.

Ainsi si le logement pour lequel le changement d’usage est demandé se trouve dans le secteur de compensation renforcée (1er au 9ème arrondissements, partie des 10ème, 14ème, 15ème, 17ème et 18ème ainsi que le 16ème arrondissement) il y a lieu de transformer 2 mètres carrés de surfaces affectées à un ci autre usage que l’habitation » pour un mètre de logement transformé en locaux à usage de location meublée de courte durée.

L’exigence d’une compensation a généré un marché de la commercialité permettant notamment à des propriétaires d’immeubles de bureaux souhaitant les transformer en immeubles d’habitation de vendre la commercialité attachée à ces surfaces, nourrissant la critique formulée à l’encontre de cette réglementation de favoriser les propriétaires capables d’acquérir les mètres carrés de commercialité nécessaire à l’affectation de logements la location de courte durée. Cette critique a cependant été balayée par les décisions récemment rendues notamment par La Cour de Cassation.

A la pointe du combat judiciaire, Paris obtient la validation de la réglementation française

Les propriétaires ayant saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne estimaient que la réglementation, en particulier le changement d’usage et la compensation, était contraire au droit européen comme portant une entrave injustifiée à la libre prestation de services prévue par la directive 2006/123/CE. Par son arrêt du 22 septembre 2020, la CJUE a au contraire jugé que la réglementation destinée à éviter la pénurie de logements destinés à la location de longue durée est  «justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général» et est «proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle à postériori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle» (arrêt de la CJUE du 22 septembre 2020 numéros C-734/18 et C-727/18). Se penchant particulièrement sur La compensation exigée par la réglementation de la Ville de Paris pour permettre le changement d’usage des logements, jugée trop onéreuse, trop compliquée et inégalitaire par ses détracteurs, la Cour de Cassation a par deux arrêts du 18 janvier 2021 estimé que cette obligation «ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif recherché» et plus généralement que l’ensemble de la réglementation existante, et plus particulièrement celle relative au changement d’usage et «répond aux exigences de clarté, d’objectivité et de non-ambiguïté» et aux exigences de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité des conditions d’octroi des autorisations » (arrêts du 18 janvier 2021 numéros 17-26.156 et 19-13.191).

L’argumentation possible des propriétaires ou locataires poursuivis de plus en plus limitée et devrait donc aujourd’hui se focaliser sur l’irrégularité des contrôles, dès lors qu’il convient de rappeler que les visites des agents assermentés ne peuvent se faire sans autorisation de l’occupant ou en son absence, sauf autorisation de l’occupant ou en son absence, sauf autorisation du juge.

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Paris à la pointe des sanctions

Disposant d’une trentaine d’agents assermentés, Paris effectue environ 5000 contrôles par an et poursuit systématiquement, à défaut pour le propriétaire de remettre le logement sur le marché de la location classique et/ou de payer partie de l’amende encourue sur la base d’un accord passé avec la Ville. Si à compter du 17 janvier 2019, les procédures engagées devant le Tribunal Judiciaire de Paris, avaient été suspendues dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne, l’arrêt rendu par la CJUE le 22 septembre 2020 et les arrêts de la Cour de Cassation du 18 janvier 2021 vont permettre la reprise des procédures, le prononcé des sanctions attendues par la Ville et le recouvrement des amendes. Les sanctions encourues particulièrement lourdes sont les suivantes :

  • Non-respect de la procédure de télédéclaration et location sans numéro d’enregistrement : 5 000 €
  • Location au-delà de 120 jours par an de sa résidence principale par le propriétaire du logement ou son locataire : 10 000 €
  • Non communication à la Ville du nombre de jours loués pendant l’année civile précédente, dans le délai d’un mois de l’interrogation de la commune : 10 000 €
  • Location saisonnière d’un logement, de sa résidence secondaire, ou de sa résidence principale au-delà de 120 jours par an, sans respect de la procédure de changement d’usage : amende civile de 5 000 € par logement ou astreinte de 1 000 € par jour et par mètre carré du logement irrégulièrement loué en saisonnier jusqu’au retour à l’usage d’habitation principale
  • Fausse déclaration ou dissimulation de la location saisonnière pratiquée : 80 000 €

 

Si l’on sait que le site de la Ville de Paris invite directement les parisiens à porter à sa connaissance tout logement leur paraissant loué en meuble de courte durée en dehors de toute autorisation, on aura compris pourquoi la Ville s’enorgueillit des premiers effets de sa politique.

Cet article vous est proposé par notre partenaire la SO.CA.F

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